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LIVRE XIII.

de travaux dont j’ai semé ma route. Loin de moi la prétention de comparer mes œuvres aux vôtres ! La moindre broderie tissue par votre main sur une fleur ou sur l’aile d’un papillon est mille fois au-dessus des lois les meilleures que j’ai pu donner aux peuples qui m’en ont demandé. Les cours d’Arthus et d’Épistrophius, trop rabaissées par vous, ne sont rien à côté des réduits de chèvrefeuille que vous divinisez de votre présence. Je préférerai toujours (vous ne le savez que trop) un battement de votre cœur à toute la gloire des empires. Mais, enfin, après que vous m’avez si cruellement, si inhumainement chassé, fallait-il donc me consumer dans une stérile oisiveté ? Mes œuvres sont dérisoires ; d’accord. Mais, sans elles, il y a longtemps que j’aurais cessé de vivre.

Hélas ! Viviane, mes lois, mes institutions, mes royautés ont moins duré que vos fleurs. Pendant que vous tissez des fils illusoires sur les prairies, j’ai tissu des fils cent fois plus décevants sur les berceaux des peuples. Vous vous plaignez de l’instabilité de vos œuvres. Elles vous échappent, dites-vous. Elles vous fuient ; elles vous paraissent futiles, risibles même. Que pensez-vous donc des miennes ? De grâce, n’en parlons pas. Avouons que tout est vain et presque ridicule, excepté cet amour que vous avez brisé sans y penser, je crois.

Oui, les hommes m’ont demandé des lois, et je leur en ai donné. Le plus souvent mon cœur n’était point à ce que je faisais. Il faut un fond de bonheur pour répandre autour de soi la sérénité ; et je ne connaissais,