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LIVRE XIII.

dire) votre âme est faite de ce qu’il y a de plus pur sur la terre, de l’âme des roses printanières : je le crois, je le reconnais, je suis prêt à le publier ; mais, en revanche, avouez-moi qu’elle n’a rien d’humain. Cette confession est tout ce que je demande à ce moment suprême.

Sachez aussi que je ne vous blâme pas ; je ne vous accuse pas, non, je vous plains, cela est très-différent. Nous nous sommes mépris l’un sur l’autre, en pensant que nous nous ressemblions, tandis que tout nous sépare. Tôt ou tard, le divorce aurait éclaté. Il vaut mieux, assurément, qu’il n’ait pas tardé davantage.

Dans ma détresse je pensais échauffer, du feu qui me brûlait votre âme puisée aux glaciers éternels. Et vous (reconnaissez-le avec ingénuité), vous espériez réduire mon cœur à ce demi-sommeil dans lequel vous vous complaisez, que vous prenez pour la plus haute vertu, et qui n’est, je le crains, que la sagesse de l’impuissance et de la mort. Non ! nos âmes n’étaient pas faites l’une pour l’autre ; ce n’est ni votre faute ni la mienne. Vous voulez un amour en dehors de la nature humaine et qui ne se trouve qu’au couvent ou dans la léthargie des plantes.

Est-ce donc ma faute à moi si le sang d’un homme court goutte à goutte dans mes veines ? Il vaudrait mieux, je le sais, y sentir circuler la sève glorieuse du plus beau des lis, comme vous redisiez sans cesse, au point de m’en avoir rendu quelquefois très-sottement jaloux.