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LIVRE XXIV.

Je vois seulement que la douce lumière du jour perdue et retrouvée les a enivrées d’une joie aveugle ; déjà elles se seraient perdues une seconde fois, et elles auraient repris le chemin de la nuit, si le prophète, sans les consulter, n’était monté sur leur char.

Lui-même il les conduit, par le meilleur chemin, sur le seuil entr’ouvert de sa sépulture, jusqu’à ce qu’elles se soient accoutumées de nouveau à la lumière éblouissante des vivants. Alors il referma derrière elles la porte de son tombeau, il y mit une large pierre qu’aucune d’elles ne pouvait soulever.

En vain la lassitude, la coutume, la paresse de cœur, la peur du lendemain, leur rendirent par moments le goût du sépulcre ; il se trouva fermé : elles ne purent y rentrer.

La première chose que le conducteur des peuples leur enjoignit, sitôt qu’il les vit affranchis de la tombe, fut de se rendre devant le noble Arthus. Celui-ci les reçut, le front riant, avec la majesté sereine qu’il avait rapportée du vestibule de la mort ; ils se confièrent mutuellement quels rêves ils avaient eus pendant la nuit qui s’était amassée sur eux ; tous se trouvant meilleurs, sans trop de gloire, n’insultaient plus que les ténèbres.

Arthus s’étonnait que sa profonde blessure fût fermée ; il aurait voulu demander comment son sang avait cessé de couler. Les peuples les plus navrés mettaient aussi, comme lui, la main sur leur plaie. Ils se consultaient entre eux sur ce qui leur était arrivé. Était-ce une