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MERLIN L’ENCHANTEUR.

faire, qu’elle soit au moins sans fracas. J’ai pris goût à la simplicité. Que tout se passe donc en famille. Deux ou trois témoins, pour la création, cela suffit, je pense. Il me serait matériellement impossible de supporter, comme autrefois, les regards moqueurs de tous les soleils assemblés.

— Choisissez vous-même vos témoins.

— Eh bien ! Voyons ; les plus intimes, Jacques, l’archevêque Turpin, le prêtre Jean.

— Qu’ainsi soit ! » répondit Merlin, dont le cœur débordait de joie.

Il se fût bien gardé de contrarier son père sur un détail, quand, à force de précautions, il l’avait vaincu sur presque tout le reste.

« Vous, vous seul, serez mon démon tutélaire ! » poursuivit-il.

Pendant que ces choses se passaient, le plus petit des esprits du mal, Farfarel, grâce à sa petitesse même, avait réussi à s’échapper de la destruction de l’enfer. Il méditait à l’écart sur cette grande ruine, et se disait à lui-même :

« Voilà ce qu’il en coûte de contrefaire le ciel ! Nous avons voulu être trop fins, trop habiles ! C’est nous qui avons créé Merlin ; c’est Merlin qui nous a perdus. L’enfer a été dupe de l’enfer ; il le sera toujours ! »

Il se tut, espérant qu’aucun œil ne l’apercevrait dans ces ruines. Une voix s’entendit au loin, claire, ailée, argentine. Farfarel eut peur d’avoir été surpris ; il cacha sa tête sous son aile et il se boucha les oreilles