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MERLIN L’ENCHANTEUR.

« Quelle chose étrange, disait-il, que le souvenir ! J’aime à revoir ces lieux où toutes les colères du ciel se sont usées sur ma tête. »

Et il montrait à son compagnon un débris de son trône. Tous deux s’assirent sur les cendres éteintes ; ils prêtèrent longtemps l’oreille. Au lieu des grincements de dents qui avaient rempli ces lieux, on n’entendait plus aucun bruit. Quelquefois seulement un souffle passait sur les cendres et les soulevait en tourbillons. Du reste, pas un être vivant n’était resté dans cette ténébreuse immensité.

« Nous sommes seuls, dit Satan. Tout passe. L’enfer même a passé. En sera-t-il ainsi du ciel ? »

Ce mot jeta une ombre dans l’âme de Merlin, qui n’osa d’abord l’approfondir. Mais il pensa secrètement à son Hôte et retrouva la paix.

« Du moins, c’est moi qui l’ai voulu, reprit son père. Si j’y eusse consenti, l’enfer triompherait encore. Maintenant, où est-il ? Je ne le retrouve qu’en moi.

— Gloire à vous !

— Ô le plus sage des sages ! dis-moi où ont pu s’abriter les innombrables multitudes d’âmes dolentes qui comblaient autrefois ces vallées ?

— Dans la miséricorde d’en haut. »

Ces paroles dites, ils se levèrent et arrivèrent auprès des portes ; elles étaient restées ouvertes. À la vue de l’inscription en lettres de feu :

« Vous qui entrez, laissez toute espérance ! »

L’enchanteur s’arrêta ; il eût voulu effacer cette devise