nous sommes quittés. Le tombeau m’a éclairé ; je vois aujourd’hui les choses avec plus d’impartialité.
— Va ! mon fils, je n’ai plus de rancune ; et je ne t’en veux point. Joue-moi seulement un peu de ta harpe, pourvu que cela ne ressemble pas aux mélodies de David. Si tu savais combien il y a longtemps que je n’ai entendu de la musique ! Bien ! encore ! Recommence-moi cet air là ! Vraiment, je deviens meilleur en l’écoutant. »
Quoiqu’il y eût peut-être un peu d’ironie dans ces derniers mots, le bon Merlin ne laissa pas de tirer de son instrument les meilleurs accords et principalement les plus touchants qu’il put trouver.
« Faisons-lui, pensait-il, ce plaisir. Il est si malheureux !
— J’ai soif, reprit le père des damnés. Personne jusqu’ici n’a voulu me donner un verre d’eau. »
Aussitôt Viviane alla puiser de l’eau fraîche au bord du torrent, et la présenta, dans une urne de bronze, à son hôte, qui se désaltéra avec une ardeur fiévreuse. Après cela elle prépara un repas comme on a coutume d’en préparer à la fête des morts. Merlin et son père restèrent seuls.
« Il est donc vrai, mon fils, que l’on peut être heureux ? demanda le maître de l’enfer.
— Vous le voyez, mon père.
— Oui-dà ! Mais, assurément, tu es le seul être heureux dans la création. Je l’ai parcourue tout entière. Je n’ai trouvé que toi qui te vantes de ton sort !