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MERLIN L’ENCHANTEUR.

souffrir que la vertu fût dupe. En même temps qu’il aimait les hommes, il en voyait mieux que personne au monde le parfait ridicule.

« Leurs ridicules, avait-il coutume de dire, sont si évidents, si criants, qu’il est impossible de les oublier quand on les a vus une fois. »

Il s’amusait ainsi innocemment à contrefaire les vices des vivants, leur laideur grotesque, leurs hypocrisies intolérables, leur vile avarice, leur hâte et leur impuissance comique de jouir d’aucun bien, leur importance risible, leurs prétentions surtout. « Mon Dieu, s’écriait-il, que nous sommes heureux de ne plus voir tout cela qu’à la distance du tombeau ! »

En se jouant, il fit, de cette manière, une représentation à peu près complète de la vie humaine, telle, du moins, qu’il pouvait s’en souvenir. C’était à s’y méprendre ; vous eussiez cru assister à la réalité. Il voulut même jouer ses pièces, et, il éleva, à cette fin, une petite estrade éclairée d’un demi-jour. Mais, pour sa part, il ne voulut point de masque. Jamais ne se virent de pareils chefs-d’œuvre, à la réserve seulement de la déclamation qui laissait quelque chose à désirer ; celle de Merlin étant un peu sourde, et celle de Viviane un peu fantasque. On sentait que la mort seule avait pu deviner et publier ainsi tous les mystères de la vie ; et, chose non moins étonnante, après avoir ri des vices des vivants, on était plus tenté de les plaindre que de les haïr.

Toutes ces pièces furent gravées, sur une pierre de