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MERLIN L’ENCHANTEUR.

ou laisse-moi te rejoindre ! Je me sens mille fois en un jour défaillir et renaître. Si c’est là être fantasque comme tu le prétends, eh bien, oui, je suis fantasque. Il y a des heures où je cours plus vite que le daim. J’arrive avant lui à la cime de la montagne où l’espérance me porte ; et tout aussitôt je me sens plus pesante à moi-même que la tortue. J’ai les yeux du lynx pour discerner les traces de mon bien-aimé ; en même temps, je me sens plus aveugle que la mort pour tout ce qui n’est pas lui.

Où irons-nous, mon âme ? Tu es si triste, et les Alpes sont si près ! Allons monter sur les cimes. Peut-être apercevrai-je mon bien-aimé !

IX

VIVIANE À MERLIN.
Val de Madéran, mois des roses des Alpes.

Les noirs corbeaux ont annoncé les premiers les funérailles de l’année. J’ai vu les Alpes-Surènes se couvrir de leurs épais manteaux d’hermine, et des rubans d’argent traînaient jusqu’à leurs pieds. Elles m’ont glacé de leur haleine. Ô cimes orgueilleuses des Clarides, pourquoi vous êtes-vous revêtues de colliers de diamants qui étincellent sous le jour livide ? Découvrez-vous de vos faîtes les pas de mon bien-aimé ? Vierges au cœur de