Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur tome 2, 1860.djvu/25

Cette page a été validée par deux contributeurs.
21
LIVRE XIII.

conduite dans sa cabane, où elle m’a montré ton berceau. J’ai pleuré ; elle a fait comme moi. Va ! de telles larmes baigneront éternellement ces ruines.

Un peu après je suis entrée, ce qui ne m’était jamais arrivé, dans la petite église ; j’ai traversé le cimetière où presque tous tes compagnons d’âge sont couchés ; car on meurt vite dans ce canton. L’église était pleine de monde, à cause de la fête des morts. Le tintement de cette cloche, ce vieux prêtre que la solitude a rendu presque muet, ces prières étonnantes, ces voix d’enfants de laboureurs, cet encens brûlé par des mains rustiques, m’ont remplie d’une terreur qui me poursuit encore.

Mais écoute la suite :

À la croisée des chemins, dans une niche tapissée d’aubépine, construite par les bouviers, je trouvai, sur un pavois de roses sauvages, une jeune fille qui semblait une reine. Elle tenait dans ses bras un enfantelet couronné d’une auréole, et, à leurs pieds, des joueurs de chalumeaux leur chantaient des chansons.

Quelle est cette famille bénie ? Je me suis élancée vers elle.

« Êtes-vous une fée ? ai-je dit à celle dont j’aurais voulu baiser les pieds. Et cet enfant, où est son père ? Pourquoi demeurez-vous, à la manière des oiseaux du ciel, sous ce toit de feuillée ? Je suis la reine des fleurs ; laissez-moi vous en couvrir et donnez-moi, sous votre manteau, une place pour cette nuit. »

Mais elle, en me regardant avec sévérité :