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MERLIN L’ENCHANTEUR.

VII

VIVIANE À MERLIN.
Sous les saules de Certines.

Dans ces jours si misérables, j’ai voulu revoir le toit de ta mère, sous lequel nous avons été heureux, oui, heureux, quoi que tu en dises. J’arrivai en foulant les feuilles mouillées par le petit bois que tu connais. Je traversai le ruisseau sur la planche vermoulue qui clapotait sous mes pieds. Au sortir de la lisière du bois, je cherchai des yeux ton palais enchanté. Qu’ai-je trouvé ? des orties et des ronces. On distinguait encore la place de l’âtre. Des mousses, couleur de cendre, des digitales pourprées, des campanules bleuâtres, des genêts, des boutons d’or, avaient grimpé le long du mur noirci et imitaient la flamme mourante d’un foyer. Voilà ce qui reste de ta demeure. Je me suis assise sur les pierres, et, quoi que tu en dises, je me suis trouvé une poitrine humaine. Il ne reste plus un seul des arbres que tu as plantés dans l’île des pommiers sacrés ; même les tilleuls ont été déracinés.

Une paysanne est sortie des ruines ; sans avoir peur de moi, elle m’a demandé : « Où est notre maître ? » Que pouvais-je répondre ? J’ai gardé le silence ; elle m’a