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LIVRE XIX.

VIII

« Il y a, seigneurs, plusieurs genres de sommeil, murmura à voix basse Merlin en fermant les yeux du roi. Il y a le sommeil de l’ennui, qui ne ressemble en rien à celui-ci ; il y a le sommeil de la mort, qui s’en rapproche davantage ; il y a aussi le sommeil sacré, peuplé de songes divins. C’est celui que goûte en ce moment le noble Arthus. Faisons que rien ne trouble son rêve céleste. »

Puis, s’adressant aux courtisans : « Parlez bas, » ajouta-t-il. Ce qu’ils firent aussitôt, et ils ont continué de parler sur ce ton jusqu’à nos jours.

La foule se dispersa à pas comptés, plus silencieuse que des ombres. Le sanglot devint soupir, le soupir murmure, le murmure chuchotement. Enfin la terre se tut.

Un conseiller d’Arthus s’approcha de l’oreille de Merlin et lui dit : « Est-il donc si facile à un monde de mourir ? »

Pour toute réponse, Merlin mit un doigt sur sa bouche. Il fut enjoint à tous ceux qui possédaient un luth, un théorbe, une mandoline et même une musette, de s’abstenir d’en jouer, s’ils n’aimaient mieux les briser. Même les cloches durent cesser de sonner. Chacun