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MERLIN L’ENCHANTEUR.

éloignés, où, au milieu d’un monde ivre de joie, le front ombragé d’un panache, il montrait sa face riante aux peuples rajeunis qui acclamaient en lui l’espérance ! Maintenant il attachait ses regards sur son bouclier d’argent suspendu au-dessus de sa tête ; mais en le voyant terni comme par le souffle d’un siècle impur, il détournait les yeux et soupirait.

Quand l’année va mourir, le chêne de la montagne murmure de voir ses feuilles tomber une à une à ses pieds ; il porte envie au fils de l’hiver, au pin ou au mélèze qui garde entière sa verte chevelure dont aucune tempête ne peut le dépouiller. Tel Arthus, se sentant mourir, regardait avec envie, debout au pied de son lit, ses compagnons qui gardaient, sans fléchir, leurs vertes années.

C’est à ce moment qu’entra Merlin. Quand il se fut approché du moribond, il s’agenouilla, puis il lui prit les mains, les baisa, et lui dit :

« Roi Arthus, Dieu vous sauve ! Ô père de toutes les espérances, roi des âmes libres, qui vous a fait cette plaie ? »

Le roi refusa de répondre à cette question, mais il dit :

« Merlin, beau guérisseur des âmes, il est trop tard ! Voyez comme le souffle me manque et comme l’espérance m’est ôtée. Voici le glas qui annonce les funérailles d’Arthus. Plaise au ciel que ce ne soient pas les funérailles d’un monde. »

Alors Merlin se baissa pour visiter les blessures ;