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MERLIN L’ENCHANTEUR.

« Si je me marie, ai-je ajouté, je n’épouserai que Merlin. »

Il est sorti furieux, toujours l’arc à la main, aiguisant quelques vieilles flèches qui, heureusement, n’ont plus de fer, et promettant néanmoins de se venger. Je t’avertis de tout cela ; prends-y garde. Il n’y a rien de plus à craindre que les dieux dont la nullité est démasquée ; ils voudraient se venger sur la nature entière.

Pour moi, cette aventure m’est si odieuse que je songe à quitter ce pays. Mais combien j’ai de peine à me déraciner ! Il n’est pas ici une bruyère, une branche de verveine qui ne me retienne par le pan de ma robe.

V

VIVIANE À MERLIN.
Champ de la Crau, mois des bruyères fleuries.

Devine, si tu le peux, à quoi j’ai employé les jours qui me restent avant mon départ. Eh bien, oui, sublime enchanteur, pendant que tu hantes les cours, que tu conseilles les rois et les peuples, j’ai employé les douze heures de la journée à inventer une fleur nouvelle, que j’ai découpée et brodée avec une minutie magistrale qui provoquerait ton sourire si tu pouvais me voir. Il s’agit de petites fleurs de bruyères à cent yeux,