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MERLIN L’ENCHANTEUR.

III

VIVIANE À MERLIN.

Plus loin ! plus loin, Merlin ! Eh quoi ! vous arrêter si tôt ! Y songez-vous ? Le bonheur digne de vous est beaucoup plus loin, vous dis-je ; il ne peut se trouver qu’au bout de la terre.

En vérité, votre paradis abandonné, dévasté m’a fait peur. Qu’y ferions-nous ? Tout me consterne en y pensant. Avez-vous bien pu désirer un moment vous enfermer dans ces ruines de la félicité perdue ? Quoi ! recommencer ce songe évanoui de l’Éden, et voir, au bout, la même épée de flamme, le même serpent, la même porte d’airain qui s’ouvre et se ferme pour toujours ? Vouliez-vous faire de moi une Ève maudite, sans l’ignorance du lendemain ? Non, non ! c’est par delà ce vieil Éden détruit que s’élève l’édifice de la félicité inconnue dont votre cœur a soif.

Continuez donc votre marche triomphale. Mais gardez-vous de revenir parmi nous sous nos froides brumes de Bresse et de Bretagne. Une âme brûlante telle que la vôtre a besoin d’un ciel de feu.

N’avez-vous pas ouï parler, Merlin, de la vallée de Cachemire et du golfe de Bengale, à l’extrémité du royaume de Cathay ? C’est là, dit-on, qu’à l’ombre des