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MERLIN L’ENCHANTEUR.

du prophète. Personne n’eût pu lui rien enseigner à cet égard. Mais l’esprit, chose nouvelle pour lui, l’étonna au plus haut degré. Il fut obligé de convenir que l’on ne connaissait rien de semblable à la cour de Bretagne ni dans les trois royaumes des bardes. Tantôt il comparait l’effet qu’il en recevait à l’éclair dans une forêt de sapins résineux, prêts à l’incendie, tantôt à la lame ou au fil étincelant d’une épée à la poignée de diamants dans les mains d’une vierge, le plus souvent à un feu follet qui entraîne le voyageur vers un palais de cristal où le festin est préparé.

« Laissez là, disait Isaline, votre feu follet, votre festin ; passe encore pour les diamants ! »

Déconcerté, Merlin ramenait la conversation sur ce qu’il savait le mieux, le ciel bleu, l’espace infini, la région mystérieuse de l’écliptique.

Sans s’élever à ces hauteurs, Isaline répondait à Merlin avec beaucoup de sens par des propos de la terre :

« Quand verrait-on sa sœur Ganiéda ? La ville de Loël valait-elle Paris ? Que disait-on du roi des Orcades ? quelle était, à son gré, la belle entre les belles ? Était-ce Énide à la robe d’azur, la dame Yguerne ou Tégaf au sein d’or ? ou bien la reine Genièvre ? »

Ces simples paroles résonnaient, comme autant de perles dans un bassin de vermeil.

De nouveau, encore plus troublé, il parlait des trois vies, des trois félicités.

« Trois félicités ! s’écriait Isaline, moitié riant, moitié pleurant ! Si je pouvais en connaître une seule ! »