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MERLIN L’ENCHANTEUR.

Le son de sa voix ressemblait à… De grâce, ne me le demandez pas. Je n’en connais aucune qui lui ressemble le moins du monde, excepté une, pourtant, que je n’entendrai plus et dont je ne puis parler. Pour celle-là, si je l’entendais, le mal du pays me prendrait aussitôt. Et c’est précisément ce que j’ai voulu éviter dans tout le cours de cet ouvrage. Passons !

Était-elle mariée, oui ou non ? Je ne puis le dire avec certitude. Je crois bien qu’elle l’était. Dans tous les cas, c’était comme s’il en eût été autrement. Peut-être était-elle séparée ? peut-être son mari voyageait au loin pour se distraire ? peut-être s’occupait-il de commerce ou était-il aux croisades ? peut-être était-il mort ? Non qu’elle ne fût sage et qu’elle ne connût ses devoirs, mais enfin rien n’annonçait chez elle la gêne d’un lien servile, obséquieux. Si elle avait un frein, c’est elle-même qui le forgeait volontairement, chaque jour, par sa propre raison.

Était-elle religieuse ? Oui, elle l’était, mais non pas comme nous l’entendons de nos jours. Elle ne portait pas sa dévotion comme un manteau. Elle ne parlait pas de l’Évangile, des saints Pères, du dernier mandement à tout propos, au bal, à table, au concert, au bois, à l’Opéra. Elle ne s’en entretenait qu’à l’église, et encore à voix basse. Elle ne déployait pas comme un éventail ses pensées les plus sacrées. Au contraire, elle les renfermait, elle les recueillait, comme une source, pour s’en abreuver dans les jours difficiles. Le reste du temps, elle était rieuse, folâtre, détestant l’hypocrisie comme la