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LIVRE II.

fatalité voulut qu’il ne fût consulté jamais que le lendemain des événements, lorsque la sagesse de Merlin arrivait trop tard pour remédier au mal.

« Du moins, disaient alors les sages, nous savons au juste pourquoi nous périssons.

— C’est vrai, répondaient les indiscrets ; mais que n’avez-vous ouvert le livre un jour plutôt ?

— Nous y songerons une autre fois, » reprenaient les sages.

Cette occasion reparaissait l’année suivante ; le livre était encore une fois oublié.

Tel était le caractère de ce peuple. Qui pourra le corriger, puisque Merlin ne l’a pu ?

XV

Prophète, roi, poëte, enchanteur, barde, fils d’une sainte et d’un incube, que de caractères différents dans mon héros ! Non-seulement, comme tout autre héros, il a une double nature divine et humaine ; il tient en outre un peu de l’infernale, adoucie, corrigée, tempérée, non détruite par la science. Petit, au moment qu’il semble le plus grand ; quand je le cherche dans les nues, il est sur la terre ; incroyable difficulté pour son historien que cette diversité de tons, de langage, de conditions !

Quelle plume sera assez ailée pour le suivre dans sa course à travers les trois mondes ? Et c’est peu de le