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MERLIN L’ENCHANTEUR.

L’aube commençant à paraître, Merlin aperçut au loin les peuples qui se tenaient immobiles, comme on voit dans une campagne déserte s’élever des dolmens de pierres qui blanchissent dans la nuit. Nul n’essaya de répondre, nul ne fit un pas vers lui. Une seule figure, plus pâle que toutes les autres, s’approcha et lui dit en pleurant : « Ne leur parle pas davantage ; ils sont sourds, car ils ont été changés en pierre. Moi seule, je t’ai entendu, moi seule, je sais qui tu es. Je connais aussi la justice et l’espérance, mais moi, je suis morte !

— Console-toi, pauvre âme en deuil, répliqua le Prophète ; s’ils ont été changés en pierre, c’est ce que j’ignore, je commence à le croire en les voyant si muets et si durs. Mais je suis patient ; j’attendrai qu’ils rouvrent leurs cœurs et leurs oreilles. »

XIV

Merlin découvrit dans l’avenir la destinée entière du peuple qui venait d’éclore autour du hameau de Lutèce. Il décrivit de point en point les dangers les plus imminents, et marqua en outre les moyens de les éviter. De tout cela, il forma un corps d’instructions qu’il donna en un volume sacré aux principaux de la ville, avec la charge expresse de l’expliquer aux ignorants, qui par malheur étaient nombreux dans ce canton.

Depuis cette heure, ce livre des Prophéties n’a cessé d’être consulté dans les calamités publiques. Mais la