Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur, 1860.djvu/81

Cette page a été validée par deux contributeurs.
69
LIVRE II.

— Écoutez ! repartit gravement l’enchanteur. Par tout ce que je vois ici, je m’aperçois que vous n’êtes encore qu’ébauchés. La dure épreuve a montré que vous êtes cent fois plus pesants d’esprit que vous ne pensiez être. Vous êtes nés à peine, déjà vous avez l’esprit fort rouillé sur toutes les choses d’en haut. Le temps n’est pas venu encore de vous livrer sans voile ma dernière pensée. Comment en pourriez-vous supporter l’éclat ! vous qui ne savez pas même épeler les runes écrits en lettres de vingt coudées sur les rochers. »

Il leur enseigna alors une religion élémentaire, pygméenne qui néanmoins pouvait les sauver. Ce n’était ni le paganisme, ni le druidisme. Ce n’était pas non plus l’orthodoxie la plus pure. C’était une page de l’Évangile éternel écrite en toutes langues, sur les fleurs, sur les rochers, dans les veines des cristaux, sur le front des étoiles, même dans le cœur des enfants. Ceux qui ne savaient pas l’A B C étaient étonnés de lire couramment dans ce livre. Il y en avait partout des exemplaires étalés sur la terre. Par négligence, on les laissait épeler par les plus vils insectes.

« Certes, leur disait Merlin, voilà un degré modeste, mais infiniment supérieur à celui où vous êtes. On prétend que vos pères ont escaladé les cieux. Vous faites le contraire, vous rampez dans l’abîme. Plusieurs m’ont raconté que vous attendez qu’un dogme nouveau s’impose à l’univers. Bonnes gens ! je vous le dis, vous êtes la dupe de vos vieilles idées. Le nouveau dogme est venu et vous ne le voyez pas. Vous attendez le Messie ?