Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur, 1860.djvu/77

Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
LIVRE II.

qu’il ne pouvait pourtant intervenir à chaque heure dans une nouvelle distribution de terres (ce qui ne lui laisserait plus un moment de loisir). Au reste, s’il y avait la faute de quelqu’un, il prenait tout sur lui, demandant instamment que la responsabilité n’atteignit que lui seul. Son dernier mot fut que le mal était facile à réparer.

« Facile ! s’écria la foule. Merlin, comment l’entendez-vous ? »

Le bon Merlin indiqua les meilleurs remèdes, mais aucun ne le satisfit pleinement. Il manquait toujours quelque chose, principalement à ses institutions de crédit. Il ne savait comment faire du même coup la félicité du débiteur et du créancier. Certes, il eût bien voulu que l’on pût, à la satisfaction de tous, prêter sans débourser, emprunter sans payer, produire sans travailler, travailler sans sueurs, jouir sans consommer, vivre sans pâtir, mourir sans défaillir, ressusciter sans mourir. C’était là pour lui le beau idéal. Mais le réaliser d’un seul coup, la chose lui était difficile. Pour la première fois, il se sentait sérieusement embarrassé.

« Ah ! s’écria-t-il à la fin, l’amour réparera la faute de l’amour. Celui dont le champ est insuffisant ou stérile sera aidé par tous les autres. Personne, assurément, ne voudrait le laisser dans la gêne.

— Dieu nous en garde ! répondirent-ils tous ensemble.

— Attendez, dit encore Merlin ; à celui qui a le plus mince lot, je laisse ici le couteau d’or de Viviane. Voyez