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MERLIN L’ENCHANTEUR.

menter, il courut à la fenêtre et s’aperçut qu’une fourmilière d’hommes s’étaient rassemblés à la hâte et couvraient l’horizon. Ils étaient déjà occupés à élever des cabanes, des maisons, même des cloîtres et des bastilles. Seulement, ils n’avaient aucun plan, ils travaillaient au hasard, et ne s’en apercevaient pas.

À peine Merlin était-il revenu de son étonnement, il apprit que les plus sages de ce peuple venaient le saluer et lui souhaiter la bienvenue. Dès qu’ils furent entrés, Merlin leur offrit de s’asseoir sur un coffre, à l’angle de la cabane.

Sans avoir l’air de l’entendre, ils lui dirent, avec un peu de fatuité :

« Nous sommes les sages de ce pays. Veuillez nous dire avant tout quelle est votre nature, votre essence ? Est-elle double ou simple ? Avez-vous des facultés ?

— Oui, sans doute, répondit Merlin avec précipitation.

— Si cela est, combien en avez-vous ? »

Tout ébahi de ce ton, qui tenait le milieu entre le sérieux et l’ironie, Merlin repartit avec modestie, et aussi parce que ces mots arrivaient toujours les premiers sur ses lèvres :

« J’ai d’abord la faculté d’aimer. »

Quelques-uns se mirent à rire ; les autres reprirent aussitôt :

« Nous apportez-vous quelque dogme nouveau ? nous sommes très-dégoûtés des anciens. Que pensez-vous de l’accord du dogme et de la philosophie ?