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MERLIN L’ENCHANTEUR.

le juge ! Vous me renierez aussi devant la servante. En y pensant je suis partagé entre la colère, le dégoût, la pitié, la honte ! Mais c’est encore la pitié qui l’emporte ! »

À peine les peuples se virent seuls, ils excitèrent de mille manières leurs guides magiques à se mordre entre eux ; puis les plus forts voulurent en dépouiller les plus faibles ; ils se ruèrent les uns contre les autres, et il y eut un moment d’horrible confusion, car tous imitaient, à s’y méprendre, le hurlement des bêtes de proie.

Ils s’entre-déchiraient avec fureur, comme s’ils eussent eu eux-mêmes des griffes, des serres, des cornes, des crocs, des hures, des langues fourchues de vipères, des écailles luisantes, des becs d’aigle ou de vautour. Par bonheur, les animaux conservèrent dans cette mêlée le plus grand sang-froid du monde. L’exemple de leur sagesse fit rougir les hommes, qui se calmèrent à la fin. Mais alors ils étaient presque tous enchaînés et gardés à vue par un de ces animaux sacrés, qui les tenait, en bâillant, sous sa patte.

IV

L’amour n’avait pas produit dans Merlin son effet ordinaire : il ne l’avait pas rendu oisif. Au contraire, Merlin ne cessait de visiter les contrées voisines pour faire le bien. Tout sentier lui était bon, pourvu que ses