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LIVRE II.

au lieu de ce langage de ver de terre qui cache des tempêtes que vous-mêmes vous ignorez. »

Il y avait là des gens de tous pays, d’Italie, de France, d’Espagne, d’Angleterre, de Pologne, de Hongrie, d’Allemagne, de Suisse ; il y en avait aussi de Roumanie. Aux Lombards il donna une vipère milanaise pour mordre au talon le chasseur Germanique ; aux Français une alouette des Gaules qui chante dans l’orage ; aux Anglais un léopard accroupi dans son embûche ; aux Vénitiens un lion à gueule d’or qui rugit sur les tours ; aux Espagnols une licorne ; aux Portugais un dauphin ; aux Allemands une tortue ; aux Autrichiens une hyène : aux Suisses un ours de Berne ; aux Polonais un aigle blanc ; aux Hongrois un cheval indompté de Tartarie ; aux Grecs un épervier de mer ; à ceux de Roumanie un aurochs. Chacun de ces animaux apprivoisés était instruit dans la magie et léchait la main de l’Enchanteur.

« Suivez-les, dit Merlin ; ils connaissent le chemin le meilleur, que moi-même je leur ai enseigné. Prenez garde cependant de ne pas tomber fort au-dessous du moindre d’entre eux, car vous touchez encore pour la plupart aux confins de leur aveugle empire. Combien j’en vois parmi vous qui ne songent à ce moment même qu’à vendre leur bon droit, comme Ésaü le velu, pour un plat de lentilles !

« Vous aimerez mieux être flattés que servis. Moi, au contraire, je vous servirai et ne vous flatterai pas. Voilà pourquoi j’aurai, moi aussi, ma Passion par votre faute. Que de fois vous me renierez devant les soldats, devant