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LIVRE II.

ses. Les épées tressaillaient dans la main des chevaliers. Même les hommes de pierre, dans leurs niches marbrines, se prenaient à pâlir et à pencher la tête ; chacun d’eux rêvait d’une dame de pierre sous la voûte des cieux.

Cependant les rois, les seigneurs, les chefs de clan s’étaient retirés, bannière en tête. Arthus eut la bonne grâce de jeter aux peuples une poignée ou deux de médailles à son effigie, et les peuples, en voyant défiler le cortége, se mirent à deux genoux ; ils disaient :

« Ô les bons seigneurs enchantés par Merlin ! Voyez : une étoile brille à leur front.

« Ô les bons maîtres ! qu’ils vivent de longs jours, et que les fils de nos fils leur soient soumis comme nous ! »

Tel fut le second prodige de Merlin. Les maîtres et les serviteurs, les rois et les peuples avaient les uns pour les autres une amitié semblable.

III

Les peuples, après avoir beaucoup hésité, murmuré, la tête inclinée, le front plein de rougeur, les yeux demi-fermés, pantelants, rampants, se traînant sur leurs membres, à la façon de quelque Polyphème, vinrent se mettre à deux genoux devant Merlin, et la terre était alors très-fangeuse.