Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur, 1860.djvu/54

Cette page a été validée par deux contributeurs.
42
MERLIN L’ENCHANTEUR.

me navres-tu de ce glaive que moi-même j’ai aiguisé ? Tes enfants seront éblouis des étincelles de fer et d’acier qui en jaillissent ; ils s’enivreront de cette rosée de fer ; ils en oublieront l’innocente lumière du jour. »

Alors une voix qui semblait sortir d’un brouillard épais lui cria :

« Quelle sera mon épée ? ma couronne ? M’en irai-je d’ici les mains vides ?

— Qui es-tu, toi que j’ai peine à discerner, tant le manteau qui t’enveloppe est chargé de frimas ? demanda Merlin.

— Les filles des nues m’appellent Ossian, » répondit celui qui habitait une brume éternelle ; et il laissa retomber sa barbe de neige sur la harpe invisible ; elle rendit un son comme le souffle d’un homme qui expire.

« Ossian, roi des brumes, qu’as-tu besoin d’épée ? repartit Merlin.

« Tu régneras comme moi, non par le glaive, mais par la harpe. De tous les royaumes, c’est le seul que le fer ne peut ébranler. Chaque accord élèvera autour de toi des colonnes de diamants, et tu feras ton séjour dans la verte grotte d’émeraude, où j’irai moi-même te porter des présents. »

À ces mots, le vieillard apaisé se tut, ses larmes se confondirent sur ses joues avec la rosée argentée du soir.

Comme ils allaient se retirer, un seigneur des îles,