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MERLIN L’ENCHANTEUR.

verse ; les fleurs se penchèrent et se flétrirent. On entendit dans la forêt un long gémissement qui roula sur les flots.

Combien Merlin se repentit de ce qu’il avait dit ! Il s’accusait intérieurement d’avoir affligé par une question indiscrète celle pour laquelle il aurait voulu mourir. Sans doute c’était une fille de reine qui oubliait pour lui son trône. Fallait-il l’en faire souvenir ? Peut-être leurs conditions les séparaient-ils à jamais ? Peut-être était-elle fiancée à quelque roi, à quelque chevalier de la cour d’Arthus ? Que pouvait être l’anneau vermeil qu’elle portait à son doigt, sinon l’anneau des fiançailles ? Toutes ces idées, mille autres plus cruelles, traversèrent en un moment le cœur et l’esprit de Merlin, qui se prit à pleurer silencieusement comme elle.

À peine elle aperçut ces larmes, elle en conçut une folle joie, non de méchanceté, mais de délices. Et, passant à une autre extrémité, elle montra à Merlin qu’elle était la personne du monde la plus folâtre, la plus rieuse que l’on eût vue jamais. Tout se prit sur-le-champ à sourire avec elle.

« Tu commandes donc à l’univers ? lui dit Merlin.

— Assurément ! Comment s’en étonner ? J’aime. Avec ce mot, tout est facile.

— Mais moi aussi j’aime ! répliqua Merlin en pâlissant. J’aime, et pas un brin d’herbe ne m’obéit !

— Tu te trompes. Depuis que nous avons pleuré ensemble, tu as le même pouvoir que moi. Essaye seulement. Voici mon anneau. Que voudrais-tu ?