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MERLIN L’ENCHANTEUR.

Combien il faut qu’il ait changé ! Où donc est-il ? »

Ici Merlin fut tenté de répondre : « En moi-même. »

Mais ses lèvres balbutièrent ; il se troubla. Ses yeux se remplirent de larmes. Il resta quelque temps confus entre le désir et la crainte. Enfin, il s’écria :

« Ô Psyché ! ô âme fidèle ! que ne suis-je venu avant celui qui t’a fait cette blessure ! Ce n’est pas moi qui l’aurais récompensée de tant de soupirs et d’une curiosité si amoureuse par l’abandon et par l’oubli.

— Dis-moi seulement où il est, reprit Psyché.

— Loin d’ici. Il est parmi les joutes, les tournois et les palefrois ambiants, dans la cour résonnante d’Arthus, avec Tristan et Yseult, avec le roi Marc, avec Griselidis, avec le bon Lancelot, avec la châtelaine de Vergy et le sire de Coucy. Ce sont eux qui, après moi, savent le plus de choses d’amour. Va les trouver, ô Psyché ! ils t’en diront davantage. Pour moi, il est plus sage de me taire. Viviane peut-être nous écoute. Mais les chevaux que voici t’abrégeront le chemin. »

Il venait d’apercevoir deux chevaux débridés qui paissaient l’herbe des décombres, attelés à un petit char qu’on avait oublié dans ces déserts.

Psyché s’élance sur le char d’ivoire et reçoit, des mains de Merlin, les rênes de soie et le fouet armé de nœuds d’argent. Elle ne voulut pas se séparer de sa lampe. Il la lui tendit par la chaîne, et elle la plaça à ses pieds.

Il jeta aussi son propre manteau d’azur sur les épaules nues, frissonnantes de Psyché.