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MERLIN L’ENCHANTEUR.

de Psyché, car, certainement, c’est elle, si je dois me fier à mes pressentiments. »

Psyché était debout sur le pavé en mosaïque d’un escalier croulant ; elle semblait écouter, la tête penchée en avant, un doigt posé sur ses lèvres. De l’autre main elle tenait encore sa lampe éteinte. Le temps n’avait en rien diminué sa beauté. C’étaient toujours les mêmes yeux ingénus couleur de pervenche, le même arc délié des sourcils, les mêmes joues virginales teintes de leur premier duvet, les mêmes lèvres vermeilles, les mêmes cheveux blonds ondés de brun, dénoués sur les épaules. Peut-être son front était-il un peu plus pâle ; peut-être les veines bleues de ses tempes étaient-elles moins gonflées, moins transparentes ; peut-être aussi rasait-elle moins légèrement le sol en marchant. Dans tout le reste elle semblait embellie ; son sein se soulevait plus fréquemment ; de plus longs soupirs s’échappaient de son cœur ; une flamme plus vive, plus pénétrante, jaillissait de ses paupières sous ses cils noirs d’ébène. À demi entr’ouverte, sa bouche semblait près de révéler mille secrets trop longtemps retenus. Vous y eussiez deviné surtout l’attente, l’angoisse, la mélancolie qu’engendre l’espérance toujours déçue et toujours renaissante.

Autour d’elle, les Heures, à la belle chevelure, s’étaient arrêtées et gardaient le silence.

À la contempler ainsi, tout le cœur de Merlin tressaillit et vola au-devant d’elle. Sa langue se dessécha à son palais. L’endroit où il était disparut à ses yeux ; il ne vit plus que Psyché. Rester avec elle dans ces lieux désolés,