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LIVRE I.

XI

Ils marchaient tous deux au bord de l’Océan. Leurs pieds laissaient à peine une empreinte sur le sable argenté ; et pendant qu’ils conversaient, le flot curieux parti de la haute mer se brisait à leurs pieds en les couvrant de coquillages, et semblait dire : « Prenez-moi pour témoin. »

« Qui donc es-tu ? disait Merlin. Quand nous marchons dans les prés, tes regards sont plus doux que le muguet et la jonquille entr’ouverte à la rosée ? Maintenant ton regard est plus profond que l’Océan.

— T’ai-je demandé qui tu es ? répondait Viviane en frissonnant. Ô Merlin, que tu me feras souffrir ! Il ne te suffit donc pas de savoir que je t’aime ? tes pensées à toi ne sont donc pas toutes renfermées comme les miennes dans le moment où nous sommes ? Pour moi, ce moment est l’éternité ! Ah ! si tu savais aimer ! »

Puis elle ajouta : « Qui je suis ! Je l’avais oublié. Pourquoi me le rappeler ? Demande-le, si tu le veux, aux roseaux et aux aigles. Ils le savent peut-être ! Moi, je ne le dirai pas. »

Deux larmes coulèrent de ses paupières ; au même moment, la dernière étoile qui brillait dans le ciel s’éteignit subitement, comme une torche qu’on ren-