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LIVRE XII.

Un seul désespéra longtemps de suivre le libérateur ; car, pour celui-là, il était plongé jusqu’à mi-corps dans une maremme, et il criait incessamment : « Des ailes ! des ailes ! » sans essayer de sortir de l’étang gluant et des herbes rampantes où il était enseveli. À son visage, Merlin ne put reconnaître si c’était là un dieu ou un demi-dieu, tant la fange qui le couvrait avait défiguré ses traits. Mais, en approchant davantage, son incertitude disparut plus qu’à moitié.

« C’est plus qu’un homme, dit-il, mais ce n’est pas un dieu.

— Il demande des ailes, ô maître ! repartit Jacques. Qui pourrait lui en donner ?

— Moi, s’il est vraiment celui que j’imagine et qui s’appelle Icare.

— Tu l’as dit, interrompit celui que tous deux regardaient avec pitié. Je suis Icare, et je pleure parce que je ne puis franchir l’abîme des choses terrestres, et qu’il me faut rester éternellement sur ce rivage de boue dans lequel tu me vois plongé, sans espoir d’en sortir autrement que par ton aide.

— Bon Icare, répliqua Merlin, tes pleurs sont un honneur pour toi. C’est un noble orgueil qui te pousse ; et le désir de franchir l’ancien abîme eût mérité des anciens dieux une autre récompense.

— Des ailes ! des ailes ! donne-moi des ailes, ô Merlin !

— Je t’en donnerai, mais elles ne seront pas de cire, et l’ardeur jalouse du soleil ne pourra rien contre elles. Si tu veux suivre la science de Merlin, les ailes te pous-