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LIVRE XII.

égarer par leurs prestiges. Sans doute, le temps qui ronge tout a altéré leurs traits divins, et les moustaches dont tu parles peuvent en être la preuve. Mais sois sûr que leurs voix n’ont pas changé ; si elles frappaient de nouveau tes oreilles, je ne pourrais peut-être moi-même te préserver de toute fascination, car je n’ai pas encore une seule fois, éprouvé ma puissance contre ces enchanteresses. Sois prudent, ô mon fils, et passe sans écouter leurs chansons. »

Le matin du dixième jour, ils gravissaient en silence le calvaire de Prométhée. Souvent ils s’arrêtaient pour regarder s’ils ne découvriraient pas le titan. Plus d’une fois Jacques crut le voir dans l’entaillure d’une roche éboulée. Mais les flancs de la montagne fumaient, au lever du soleil, comme ceux d’un cheval ruisselant de sueur et trompaient les regards. Enfin, ils l’aperçurent au bord d’un roc en saillie. Et quels furent l’étonnement et même la confusion de Merlin, en voyant que Prométhée était debout et délivré en face de deux archanges cuirassés d’or et de diamants, qui venaient de rompre ses fers, ainsi qu’il a été raconté plus amplement ailleurs !

Merlin hâta ses pas vers le titan, et dès qu’il fut à portée de la voix, tout hors d’haleine :

« Vois, ô Prométhée, comme de tous côtés nous venons à ton aide. Moi aussi, je pressais ma course pour te délivrer plus vite. Certes, j’eusse désiré que cette gloire m’appartint ; il n’en est aucune que j’eusse souhaitée davantage. Mais puisque ceux-ci, grâce à leurs