Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur, 1860.djvu/442

Cette page a été validée par deux contributeurs.
430
MERLIN L’ENCHANTEUR.

de leur rancune. Moitié prière, moitié menace, il arracha de Jupiter le pardon de Prométhée.

Il fit plus ; il remplit Jacques du désir de délivrer sans retard le titan, qu’il lui dépeignit comme un des plus grands hommes de bien, d’ailleurs ennemi mortel des païens. Jacques se munit d’une paire de limes, de tenailles, d’un marteau que son maître lui laissa emporter, quoiqu’il pensât n’en avoir pas besoin. Ainsi armés, tous deux s’acheminèrent de val en val, vers le roc de Prométhée, dans la compagnie d’un faune velu qui leur servit de guide et savait le chemin le plus court.

Un soir, avant de gravir la montagne maudite, ils entendirent des mugissements qui sortaient d’une caverne marine.

« Ce sont là les sirènes, dit Merlin à son serviteur. Je m’attendais à les rencontrer, mais seulement un peu plus loin. Prends garde, ami, de te laisser séduire à leurs voix enchanteresses. Imite-moi et te bouche les oreilles. C’est l’endroit le plus périlleux de notre entreprise. »

Jacques obéit. Mais du coin de l’œil il regarda l’entrée de la caverne marine ; il en vit sortir, se traînant sur le ventre, de longs corps huileux à tête chauve, qui se précipitaient l’un après l’autre dans les flots.

« Ce ne sont point des sirènes, ô maître ; mais de bons et gras veaux de mer, à telles enseignes que ceux-ci ont, comme les autres, de longues moustaches roides et blondes sous le museau.

— Ce sont les sirènes, te dis-je ; et tu te laisses déjà