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MERLIN L’ENCHANTEUR.

jours si bourdonnants, imitèrent ce silence. Viviane se mit alors à chanter d’une voix printanière, enthousiaste et pourtant cadencée, un hymne tel que Merlin ni aucun homme n’entendra jamais rien de semblable. Le jour se passa dans cet enchantement.

À mesure que les ombres du soir s’allongèrent aux pieds des montagnes, l’extase, l’inspiration de Viviane diminuèrent. Une défaillance, une tristesse mortelle la saisirent. « Que m’arrive-t-il ? disait-elle. Je crois que je vais mourir avec le jour. Pourquoi ce silence sinistre s’amasse-t-il sur la terre ? Voilà déjà le triste oiseau de nuit qui commence à chanter. Écoute, écoute, comme il m’appelle de sa voix lamentable ! Serait-ce ma dernière heure ? » Et ses lèvres se glaçaient et palissaient, sans qu’il lui fût possible de continuer. « Il est un mot qui pourrait me sauver, reprit-elle, mais ce mot, le sais-tu ?

— Oui, murmura Merlin, je le sais ; je t’aime.

— Ah ! je défie les ténèbres ! dit Viviane, je suis sûre de vivre au moins jusqu’à demain.

Lecteur, si tu demandes qui est Viviane, les uns soutiennent que c’est la dernière fille des eaux, la dernière des druidesses ; d’autres disent que c’est simplement une jeune fille plus belle que ta bien-aimée. Pour moi, je n’ignore pas que, suivant des règles formelles, un historien ne doit jamais mêler son jugement à son récit. Je continue.