Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur, 1860.djvu/439

Cette page a été validée par deux contributeurs.
427
LIVRE XII.

moitié. C’était le nécessaire ; le superflu viendrait plus tard.

En récompense, l’enchanteur exigea une seule chose des dieux tombés, à savoir, qu’ils lui fussent aveuglément soumis, qu’au premier signe, ils descendissent vers lui, en qualité de nains, gnomes, elfes, génies, esprits follets, tels que le moindre enchanteur en a toujours des légions à son service. Encore s’engageait-il à ne les évoquer que rarement, pour ainsi dire, jamais. Et qu’auraient-ils à faire ! à porter à Viviane un mot, une plainte, un soupir, un songe, quelquefois moins encore.

Ainsi s’acheva sans trouble ni tumulte la révolution la plus grande qui se fût vue dans le monde. Tous les dieux se trouvèrent des génies ; toutes les déesses des fées ; et ce changement infini ne coûta pas une goutte de sang, pas même une larme, ni sur la terre, ni dans le ciel.

Ayant ainsi réglé le culte, la liturgie, les occupations, l’état des anciens dieux, Merlin s’apprêta à les quitter pour redescendre vers les demeures des hommes. Les immortels lui firent son cortége jusqu’au bas de la montagne, armés de fouets retentissants, dont ils aiguillonnaient leurs petits attelages. Plus d’un fut renversé du char par trop de hâte ; et c’était un spectacle dont notre héros eût pu tirer vanité, que tant de divinités, belles encore, non ridées, qui marchaient sur ses traces.

Un beau coucher de soleil éclairait leurs pas. Le rossignol dans le bois, le papillon sur le myrte, la cigale