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LIVRE XII.

Merlin et son serviteur par un sourire olympien, le dernier, je pense, qui ait brillé sur la terre. Jupiter dit que s’il pouvait, sans offense, l’enlever à Merlin, il ferait volontiers de Jacques un autre Ganymède. Comment, en effet, payer tant de bienfaits ?

« Rien n’est plus aisé, répondit Merlin ; mon serviteur aime les fables, vous en savez beaucoup. Pour vous écouter, il vous suivrait au bout du monde. Si, en répétant vos contes, il les dénature, s’il met vos oracles en patois, pardonnez lui d’avance. »

II

Un seul de la troupe sacrée restait à l’écart et il secouait avec colère les anneaux de sa chevelure blonde. On ne pouvait dire si c’était l’orgueil ou l’envie qui l’emportait chez lui, au point de l’empêcher de prendre aucune part au doux enivrement des autres. Sa main crispée se promenait sur une vieille lyre détrempée par la rosée ; le son métallique qu’il en tira soudainement obligea tous les yeux de se tourner vers lui.

Diane de Sicile en profita pour proposer à Merlin de disputer avec Phébus Apollon (car c’était lui) le prix du chant.

« Me mesurer avec le roi des hymnes ! s’écria Merlin qui ne s’attendait point à un pareil défi. Ma harpe est égarée. »