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MERLIN L’ENCHANTEUR.

dieu tombé. S’il l’eût pu, il lui eût rendu l’empire.

Plus d’une fois l’ancien orgueil faillit se révolter, surtout chez les grands dieux. « Avait-on régi l’univers pour n’être plus qu’un sylphe, un nain souvent fort contrefait ? Après avoir rempli les cieux, le moyen, je vous prie, de se claquemurer dans le calice d’une rose ? » … J’abrège leurs discours, ils ne tarissaient point.

Et le pis de tout cela, voulez-vous le savoir ? C’était de sentir que leurs costumes sacrés étaient devenus infiniment trop grands pour leur nouvelle stature. Vraiment ils se sentaient perdus dans leurs anciennes draperies. Leurs manteaux agrafés, tombant de l’épaule, les noyaient dans la pourpre ; leur ceinture aussi était beaucoup trop large pour leur taille diminuée ; il fallut la resserrer, même pour Vénus, à quoi leur hôte les aida sans être prié. Leurs sandales énormes ne tenaient plus à leurs pieds mignons ; ils les perdaient à chaque pas, sur le parvis. Autre ennui : dans le creux de leurs casques ils disparaissaient jusqu’au buste. Leurs boucliers les recouvraient comme une prison d’acier. Quant à leur glaive divin, c’était pitié de les voir traîner sur la terre ce long fardeau accablant, tout rouillé ; ils y semblaient enchaînés par le baudrier. Pour les soulager, devait-on donc les désarmer ? Il le fallut pourtant. Autre sujet de larmes.

Chose admirable ! Merlin adoucit ces cœurs aigris par l’adversité. Aux plus superbes, il prouva que la grandeur et la petitesse ne sont que des mots inventés par la