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LIVRE I.

Ces mots rendirent la parole à Merlin.

« Vous êtes donc comme moi une enfant de la terre ?

— Parlons simplement, répliqua Viviane ; allons visiter les fleurs.

— Vous ne descendez donc pas des nues ? vous n’êtes donc pas un songe ? »

Viviane mit un doigt sur sa bouche et lui dit avec sévérité :

« Laissons les songes de la nuit : ils sont froids et ressemblent à la mort. Vois, le soleil se lève ! Les cigales sautillent, les abeilles bourdonnent. C’est le moment de nous réjouir avec l’abeille, avec l’insecte, avec le soleil qui luit sur nos têtes. »,

En disant ces mots, elle prit la main de Merlin et le conduisit à travers des sentiers qu’elle seule connaissait dans l’épaisseur des bois. À mesure qu’ils cheminaient, elle lui apprenait l’histoire des plantes qu’ils foulaient ensemble sous leurs pas. Merlin cueillait des fleurs ; il voulut les lui donner : « Que faites-vous ? dit-elle ; vous me faites mal ! Ce sont des sœurs pour moi. Quand vous les arrachez de leur tige, sachez que vous me blessez moi-même. » Et elle lui montra du doigt une gouttelette de sang purpurine qui brillait sur sa joue. « Quel cœur aimant ! » pensa tout bas Merlin ; il eut voulu mille fois laver de ses larmes cette goutte de sang.

Plus le jour montait, plus la beauté de Viviane devenait éblouissante. Le moment arriva où, sous la splendeur de la journée, s’effacèrent tous les bruits de la terre. Les oiseaux se turent ; même les éphémères, tou-