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LIVRE XII.

tière des superbes chevaux, peigner dans la tempête leurs crinières flottantes, garder le feu sous la cendre, faire bouillir et chanter l’eau dans la chaudière d’airain, allumer la torche errante des vers luisants, pour éclairer les voyageurs attardés à minuit loin de leurs demeures, ce sont là de nobles occupations, presque divines encore. Vous qui avez porté le tonnerre, vous perdez peu à devenir de bienfaisants esprits follets.

— Dégénérer ainsi ! interrompit la foule des dieux.

— Il le faut bien ! rien n’est pis que de traîner après soi le faste d’une pompeuse existence que l’on n’est plus en état de soutenir. »

Ainsi parle Merlin ; un grand silence se fait autour de lui.

Tous ces dieux avaient beaucoup d’esprit, la plupart même avaient un grand génie. Ils comprirent d’abord ce qu’il y avait de sensé dans le discours de l’enchanteur : mieux valait céder de bonne grâce un empire qu’ils n’avaient plus la force de garder. Ils abdiquèrent solennellement entre ses mains, lui faisant l’un après l’autre hommage lige de leurs personnes, à condition qu’il les protégerait ; engagement qu’il prit volontiers pour l’observer avec une bonne foi dont les temps suivants ont rendu témoignage.

Mais que le premier changement de fortune fut dur à supporter ! Il eût été intolérable sans les consolations infinies que Merlin savait trouver dans sa bonté. Rien au monde ne lui inspirait plus de pitié qu’un