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MERLIN L’ENCHANTEUR.

— Notre faute ! reprit le dieu nain ! Des dieux légitimes peuvent-ils se tromper ? »

Et il chercha autour de lui sa foudre ; il ne trouva qu’un brin de romarin qu’il déracina et lança sur le monde.

« Que font-ils donc plus que nous ces dieux barbares, ajouta l’assembleur des nuages ? Vivent-ils aussi de fumée ?

— Ils vivent surtout des pleurs des peuples. »

Merlin raconta alors les merveilles de la cour d’Arthus, la lance enchantée de Perceval, le vase toujours rempli du sang du Seigneur, les peuples convertis, les temples renversés, les cathédrales brodées, les chevaliers, les dames, les bardes, les amours, les aventures du barde voyageur autour du lac des ossements, l’enfer visité par saint Patrice, le paradis par saint Brandan, Attila reculant devant l’épée de saint Paul, les nations passant comme les flots aux pieds de Simon le Stylite, toutes choses qui jetaient les dieux dans le plus grand étonnement.

Chacun d’eux murmura comme les feuilles séchées au pied du chêne centenaire.

Jupiter disait :

« Que font sur les sommets de l’Ida les nuages privés de leur chef ? Qui les rassemble ? qui les disperse ? La foudre peut-elle encore retentir sur l’Ithôme quand ce n’est plus moi qui la lance ? »

Et Phébus Apollon, aux crins dorés :

« Comment, ô Merlin, les chevaux du jour s’abreu-