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LIVRE XII.

jesté ; et tel était leur orgueil, qu’ils firent d’abord semblant de ne pas l’apercevoir.

Merlin s’avance au milieu du sanctuaire ; après les avoir considérés :

« Qui êtes-vous ? leur dit-il.

— Vos douze grands dieux, répondit celui qui était le plus proche. À quoi songent les mortels (car nous supposons, à votre air, que vous êtes mortel) ? Que font-ils ? Où sont-ils ? Depuis des siècles que nous tenons ici conseil, personne n’est monté sur nos cimes. Nous apportez-vous quelque nourriture ? Sans ce peu de rosée, contenue dans ces feuilles de houx et d’arbousier qu’a crispés le froid de la nuit, nous risquions de mourir. »

Pour toute réponse, Merlin commanda à Jacques de tirer de son havre-sac les provisions qu’il avait apportées. Le serviteur obéissant tira de sa sacoche des pommes d’api, des noisettes, quelques figues et des tranches d’un pain qui se trouva excellent quoique très-dur.

Ces divines provisions répandues dans la cella du temple, chacun des dieux se coucha sur les dalles étoilées d’anémones, tendit ses petites mains, et saisit ce qui était le plus à sa portée. Lorsque tous eurent calmé leur faim, le principal d’entre eux, se tournant vers Merlin :

« Nous aussi, lui dit-il, nous avons été des enchanteurs et même des dieux. Maintenant nous sommes des nains ! tant le destin qu’on croyait immuable est