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MERLIN L’ENCHANTEUR.

Ce n’était là ni un brouillard ni un fantôme, mais une jeune fille qui existait très-réellement, puisqu’elle avait à la main un peigne d’or et qu’elle peignait tranquillement ses longs cheveux, lesquels ruisselaient jusqu’à ses pieds et l’enveloppaient comme des rayons étincelants du matin. Quand elle eut achevé, elle s’approcha d’une fontaine, et, se mirant dans les eaux, elle ramena et noua ses tresses autour de son iront, avec une coquetterie ingénue qui doubla encore sa beauté. Puis elle descendit la montagne en droite ligne et s’avança vers Merlin, que l’étonnement rendait immobile.

« Tu m’as appelée hier, lui dit-elle, tu n’as pas voulu attendre. J’arrive. Que me veux-tu ? »

Merlin était trop interdit pour répondre. Il baissa les yeux ; puis, en les relevant, il rencontra un long, immense regard paisible, tel que celui que j’aperçus un jour lorsqu’on me penchant sur la source du glacier j’y cherchais le reflet du ciel des Alpes.

Si Merlin eût osé parler, il eut dit : « Je me sens à la fois naître et mourir ! » puis il eût ajouté : « Qui êtes-vous ? quels sont vos parents ? comment vous trouvez-vous dans cette solitude ? où est votre pays ? »

Car, en même temps que son cœur battait avec force, une singulière curiosité l’oppressait. Mais il n’osa ou ne put rien dire de ce qui était sur ses lèvres. Vous l’eussiez cru changé en une statue de pierre.

« Je parlerai, puisque tu veux te taire, dit la jeune fille. Je m’appelle Viviane ; ma marraine est Diane de Sicile : la connais-tu ? Je viens cueillir ici l’herbe d’or. »