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LIVRE XI.

terie, celui-là, que sais-je ? une moitié de brique ou une médaille royale. Il n’y a que moi qui vaille ici quelque chose, car j’en veux même à la cendre et à la poussière des sépulcres.

— Seriez-vous un envieux, mon ami ? dit Merlin. Ne prenez pas ombrage d’une pincée de cendre. Hélas ! c’est notre lot à tous ! nous en sommes formés. Ils retiennent, dites-vous, dans le creux de leurs mains un peu de poussière. Soyez indulgent pour cette manie.

— Qu’appelez-vous manie ? reprit l’esclave des esprits des ruines. Sachez que ce privilége est des plus choquants, et je meurs de rage en y pensant.

— Si vous aimez vos frères… » répliqua Merlin ; il allait continuer, quand il s’aperçut que celui auquel il s’adressait était déjà loin.

Peu de temps lui suffit pour savoir que, dans l’agriculture, les esprits des ruines estimaient principalement l’ivraie ; dans le fer, la rouille. Le commerce était interdit à l’exception d’un peu de baume pour embaumer les héros. À l’égard des lois, ils en avaient beaucoup qui toutes se détruisaient les unes les autres.

Merlin demanda à voir les bibliothèques publiques ; on les lui montra ; elles étaient gardées par un tout petit esprit nommé Griffopoulos qui lui en fit les honneurs avec une complaisance inépuisable. C’est de lui qu’il apprit que les lois interdisaient d’exprimer dans un ouvrage une idée nette et décidée sur un sujet quelconque, les regardant toutes comme funestes.