Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur, 1860.djvu/409

Cette page a été validée par deux contributeurs.
397
LIVRE XI.

— Quelquefois, dit Merlin humilié.

— Excusez-moi, reprit Épistrophius ; j’aurais dû y songer. Pour nous, nous ne vivons guère que des blonds rayons du jour et un peu de la rosée des nuits, très-abondante dans ce pays, comme vous avez pu le voir.

— C’est vérité, » repartit Merlin en montrant son manteau trempé de l’humidité de la nuit.

Épistrophius s’éloigna alors de la troupe de ses courtisans, et, ayant pris Merlin par la main, il s’entretint le plus familièrement du monde avec lui, car il savait que Merlin ne faisait que passer ; cette familiarité ne devait point avoir de conséquences pour d’autres.

« Enseignez-moi, sire, de grâce, lui dit Merlin, par quel secret vous conservez une si magnanime sérénité au milieu d’un État en ruine. Je n’ai pas encore surpris un soupir sur vos lèvres, même dans le temps que nous foulons sous nos pieds les décombres et la poussière de votre empire. Sans doute, vous conservez l’espoir de relever ces murailles tombées, ces tours abattues ; dans ce cas, le secours de Merlin et de son roi ne vous manquera pas. Mais instruisez-moi, je vous supplie, des remèdes qui vous font supporter si légèrement une adversité aussi imméritée. Car, je l’avoue, une pareille sérénité est au-dessus de ma sagesse même.

— Votre étonnement ne me surprend point, répondit le roi Épistrophius. Tout sage que vous êtes, mon cher Merlin, vous êtes homme, à ce que je vois. Vous