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MERLIN L’ENCHANTEUR.

donné un peu de pain noir, je ne me plaindrais pas. Mais non ! sans quelques mûres que j’ai ramassées aux buissons, je serais mauvaisement mort de faim.

— Je confesse, ami, qu’en cela j’ai agi comme toi, mais à la dérobée et avec plus de discrétion. Même j’irai jusqu’à dire que je ne serais pas fâché de faire à cette heure avancée de la nuit un repas frugal.

— C’est à quoi justement je songeais, dit Jacques.

— Dans ce cas, je te conseille de t’en occuper sur-le-champ et pendant que durent les ténèbres ; car si des êtres tels que nos hôtes, en les supposant aériens, nous surprenaient à boire et à manger, ils nous prendraient peut-être en grande pitié et nous trouveraient assurément fort ridicules. »

Ce conseil fut suivi immédiatement par Jacques, qui se mit à fouiller la campagne au clair de lune. Il rapporta bientôt un agneau, du cresson de la fontaine de Clepsydre et des amandes. Le chevet de bruyère servit à allumer un feu ardent où les viandes ne tardèrent pas à rôtir. Quelques moments après, nos deux voyageurs commencèrent à manger, comme si cela ne leur fût jamais arrivé de leur vie.

Ils n’avaient point achevé, lorsqu’au lever du soleil le roi Épistrophius, suivi de son cortége, parut inopinément devant eux.

En les voyant manger, il ne put s’empêcher d’éclater de rire.

« Ah ! s’écria le roi, voilà qui est tout à fait plaisant ! Vous avez donc faim et soif, vous autres ?