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MERLIN L’ENCHANTEUR.

Vous avez régné sans bruit et sans scandale, comme l’arbre centenaire règne dans la forêt. Pour moi, j’entreprends ici d’arracher à l’oubli au moins une page de votre passé. Qu’est-ce qu’une page, il est vrai ? Rien ou presque rien. Mais les monuments authentiques ne m’ont pas permis de m’étendre davantage. La route que j’ouvre ici, à travers des régions où nul être humain n’a pénétré avant moi, un autre la suivra pour l’achever. Quel qu’il puisse être, je le salue d’avance.

Dès que Merlin eut complimenté le roi, il lui fit part de son message et lui apprit son nom.

« Mon cher Merlin, repartit Épistrophius en souriant, si vous le trouvez bon, nous ne nous occuperons d’aucune affaire sérieuse avant que je vous aie fait les honneurs de ma capitale et de mon royaume.

— Je brûle, poursuit Merlin, de voir le noble Ithôme, car j’en ai ouï dire des merveilles dans mon Homère.

— Nous l’appelons aujourd’hui Vourcano, et, quant à Messène, nous lui avons donné le nom de Mavromati, qui, certainement, est plus agréable à l’oreille que le premier.

— C’est juste, beau sire roi, » répond Merlin devenu déjà un peu courtisan.

Tels étaient les discours dans lesquels ils consumaient agréablement les heures en attendant les chevaux que l’on était allé chercher dans le marais. Ils arrivèrent enfin. C’étaient de petits chevaux pâles, à la longue crinière, sans selle ni bride. En revanche ils portaient un bât en bois, deux cordes servaient d’étriers, sans