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LIVRE XI.

plus avancée qu’elle ne l’est en réalité. N’avez-vous point eu de honte, dites-moi, de livrer celui pour lequel vous aviez promis tant de fois de vivre et de mourir ! Qu’a-t-il fallu pour vous décider à me faire ici un calvaire ? Qu’on vous le demandât. Rien de plus.

— Le Calvaire est en Judée.

— Aujourd’hui, mon fils, il est partout où il y a un méchant. C’est vous, Jacques, qui m’avez creusé ma fosse.

— Je ne le nie pas, répondit Jacques, mais, qui n’y aurait été trompé ? Dites un mot, et je vais de ce pas mettre le feu aux quatre coins de cette ville de malheur, bien entendu que je ne toucherai pas aux reliques.

— Je ne vous demande pas ces violences, messire Jacques.

— Ah ! c’est que l’intention était bonne. Que voulez-vous, seigneur Merlin, l’air porte ici à la tête. Puis les cloches, les pèlerins, les vieilles murailles, tout m’a mis hors de moi. N’y a-t-il pas quelque sortilége dans ces masures et ces montagnes de pots cassés que l’on trouve ici partout ? Je soupçonne qu’elles m’ont ensorcelé.

— La chose n’est point improbable, répondit le bon Merlin en jetant ses regards sur les rocailles de Roma-Vecchia. Il est à croire que les anciens génies que j’ai vaincus partout ailleurs se sont blottis ici dans les crevasses de ces tours, de ces tombeaux, et sortent de ces temples que tu vois épars pour ton instruction. Je ne mets pas en doute, mon ami, que si tu frappais du pied ces murailles, les esprits du passé n’en sor-