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LIVRE XI.

d’épis. Nulle autre n’ouvrit les portes de la ville éternelle ; mais alors elle monta sur une des tours égarées dans la campagne ; de là elle semblait régner dans le désert.

La ville et le monde se taisaient ; ces lieux qui avaient cru voir reparaître les sauterelles d’Attila ne savaient encore s’il fallait se réjouir ou se couvrir de cendre. Le premier, l’empereur Max rompit le silence, et, se tournant avec majesté vers un homme de Dieu, nommé Euchariste :

« Nos glaives, dit-il, se sont émoussés sur son cœur d’acier. Il nous dompte sans nous braver. Que nous reste-t-il à faire ?

— Redevenons apôtres, » dit le Saint.

Au même moment il prit congé de l’empereur, se dépouilla de ses joyaux, déposa sa croix d’or, reprit sa croix de bois et s’achemina vers le tombeau de Cecilia Metella, car il avait choisi ce lieu pour sa demeure ; y étant entré, il redevint simple ermite, et ferma pour toujours sa porte au monde.

Pour Merlin, la foule interdite n’osa le suivre. Il sortit de la ville éternelle, se disant dans son cœur :

« J’y reviendrai. »

Dès qu’il eut franchi le seuil, le désert se fit autour de lui ; il tourna encore une fois la tête vers les sept collines ; et, pensant que les nations l’avaient renié sept fois, il pleura ses larmes les plus amères. La campagne en est restée désolée et muette, si bien qu’aucun rayon de soleil printanier n’a pu la consoler jusqu’à ce jour.