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MERLIN L’ENCHANTEUR.

qui rôde au milieu de la nuit, el le rossignol devenu muet sous la ramée.

« Dispersez-vous à travers les ravins des forêts impénétrables. De vos pieds et de vos ailes aidez les premiers bourgeons à s’épanouir. Déployez au bout des branches le bouton verdissant de l’aubépine et du châtaignier précoce.

« Pour nous, qui avons chanté le dernier chœur sur les degrés du temple de Sunium, nous saluons aujourd’hui le printemps nouveau dans les bruyères des Gaules. Nulle d’entre nous ne sait ce qui se prépare. Mais la terre a vraiment une odeur d’encens.

« Nous nous levons en sursaut dans la nuit, et nous errons dans les moissons sacrées pour cueillir avant l’aube l’herbe d’or.

« Voici, voici notre maîtresse rayonnante qui nous fait signe : elle nous impose silence. Il faut se taire ; maintenant c’est aux dieux de parler. »

Merlin fit de nouveau la réflexion que des cigales ne pouvaient parler en chœur. Il rit même de sa crédulité. « Qu’est-ce donc que cet univers ? pensait-il. Quel piége continuel tendu à mes sens ? Je n’en serai plus si aisément la dupe. » Cela dit, il prêta plus attentivement l’oreille ; aucun bruit ne se fit plus entendre.

Bientôt Merlin éclata en sanglots. Le cœur accablé de son isolement, il cria de toutes ses forces : « Suis-je seul dans cette immensité ? Toi que j’appelle, où es-tu ? » Une voix répondit ici très-distinctement : « Où es-tu ? » comme si elle sortait du rocher. Cette réponse haletante