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LIVRE XI.

son cœur à l’approche des méchants. Jamais elle n’avait retenti dans Rome ; il pensait que l’écho en serait plus puissant que nulle part, dans l’enceinte des sept collines, où la cendre de tant de peuples tressaillerait à sa voix. Qu’arriverait-il lorsque le chant d’Arthus ou celui de Brut le Breton (car il les avait tous deux sur les lèvres) entrerait dans les tombeaux de Roma Vecchia ? Brut réveillerait Brutus, la poussière serait renouvelée. Marcus Tullius, Numa et les anciens sages viendraient sous les cyprès écouter la chanson de Merlin qui ressuscite les morts. Mais où était sa harpe, la consolation des bons ? quelqu’un la lui avait enlevée ; peut-être même avait-elle été brisée par les méchants. Ni le geôlier, ni les guettes qu’il interrogea ne purent lui dire ce qu’elle était devenue. Première blessure de Merlin.

Du haut de sa prison, il voyait au loin le vaste horizon blanchi sous les pas radieux du matin ; et chaque fois que la poussière s’élevait sur le chemin ou sous les arcades basanées des aqueducs, il croyait que c’étaient les peuples qui arrivaient hors d’haleine à son secours. Combien de fois aussi, il crut voir, à travers les pins d’Italie, étinceler le hautbert et l’épée d’Arthus, qui, suivi de ses cent cinquante mille chevaliers, venait le délivrer ! Déjà, en pensée, il logeait les douze pairs dans le Panthéon. Tous les jours, au même lieu, il attendait et regardait du côté de la France et le cœur tourné vers elle, il disait :

« Ô France ! douce France, la louée, est-ce toi qui