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MERLIN L’ENCHANTEUR.

— Vous aurez l’église pour prier, avec la tour de cent coudées. »

Et, sans rien ajouter, il bâtit Saint-Marc, avec le campanile prosterné aux pieds de l’ange d’or.

« Est-ce assez, Nella ? Donnez-moi, en récompense, un sourire de votre bouche.

— Non, pas encore, seigneur.

— Eh quoi ! batelière, que vous faut-il encore ?

— Je voudrais un pont d’albâtre pour marcher sur la mer profonde.

— Vous l’aurez le pont d’albâtre. »

Et sur-le-champ il lui fit, en gémissant, le pont des Soupirs.

« Eh bien, Nella la batelière, vos vœux sont-ils remplis ?

— Tant s’en faut, répond-elle les yeux pleins de larmes. Ne me ferez-vous pas un palais de fées, brodé de votre main, comme celui de Viviane ? »

Merlin fit ce palais ; c’est le palais des doges.

« Vous voilà enfin comblée. Maintenant, donnez-moi cette fleur d’oranger mêlée à vos cheveux.

— Pas encore, dit-elle. Je voudrais, pour me promener sur la mer sans rives, un vaisseau pavoisé qui pût porter tout un peuple.

— Ô batelière, que vos souhaits ont grandi en peu de temps ! le vaisseau, vous l’aurez pour vous bercer sur la mer sans rives. »

Sans plus tarder, il fit le Bucentaure, pavoisé d’argent, d’or et de soie.